CHAOUKI-LI-QACENTINA

CHAOUKI-LI-QACENTINA

La paix peu représentée sur les timbres algériens

Malgré tout «Silmiya, silmiya»

 

Dans toute révolution, il y a toujours des faits et des actes qui marquent l’histoire. Durant près de quatre mois de marches populaires, un slogan a toujours volé la vedette.

Il est scandé dans les rassemblements tenus dans toutes les villes algériennes. «Silmiya, silmiya», qui veut dire que les marches sont pacifiques et doivent toujours le rester, est toujours en vogue. Cette paix à laquelle les Algériens croient toujours, et qu’ils continuent de défendre, est désormais une notion sacrée.

Comme l’a si bien dit le philosophe néerlandais Baruch Spinoza (1632-1677) : «La paix n’est pas l’absence de guerre, c’est une vertu, un état d’esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice.» Malheureusement, cette vertu tant recherchée est rarement présente sur les timbres algériens. Le sujet «Retour à la paix», choisi pour l’émission à usage courant sortie le 7/1/1963, a connu une vie éphémère.

Peu de philatélistes comptent dans leurs collections cette belle série de timbres de valeurs de 1, 2, 5 et 10 DA, réalisée dans l’imprimerie nationale de Belgrade (ex-Yougoslavie), et illustrée de l’emblème national et de la colombe, avec au centre une chaîne brisée, signifiant la libération, et sur le côté un fusil, symbole du combat pour l’indépendance.

Durant plus de 20 ans, le sujet de la paix restera absent sur les émissions de la Poste algérienne, qui s’intéressera plutôt aux efforts de reconstruction d’un pays sorti de 132 ans de colonialisme, mais aussi à tout ce qui a trait à l’histoire, la culture, l’artisanat, le patrimoine, sans oublier les éternelles célébrations et les événements sportifs et économiques.

L’après-coup d’Etat du 19 juin 1965 est passé en douceur, et la vie reprendra tranquillement sous le règne du nouveau maître du pays, Houari Boumediène. Il faudra parcourir encore vingt ans dans le catalogue philatélique algérien pour tomber sur une nouvelle émission, parue le 16/10/1986, pour célébrer l’Année internationale de la paix.

Une figurine tout en rose, dans laquelle Kamreddine Krim, spécialiste attitré des allégories, représentera l’éternelle colombe sur un globe bleu. Un timbre dont la sortie coïncidera avec les événements de Constantine, déclenchés suite aux incidents survenus dans une résidence universitaire. Un fait complètement oublié aujourd’hui, bien qu’il fût un précurseur des événements d’Octobre 1988, marquant le début de la fin du règne de Chadli Bendjedid. Puis ce sera l’assassinat de Mohamed Boudiaf, en juin 1992.

Les Algériens apprendront à rêver de paix lors de la décennie noire. Une paix qui reviendra symboliquement sur une vignette émise le 14/9/1999, à l’occasion de la célébration par l’Unesco, en 2000, de l’Année internationale de la culture de la paix. Le sujet réapparaîtra le 31/3/2001, quand la Poste retiendra une mosaïque un peu spéciale datant du IVe siècle portant la mention «Pax et Concordia» (paix et concorde) sortie du musée de Tipasa pour être «accouchée» sur un timbre pour le 1er Colloque international sur Saint-Augustin.

La paix sera longtemps absente sur les timbres algériens au profit des émissions «commandées» pour faire gloire à la «concorde civile» et à la «réconciliation nationale» ayant marqué les dix premières années du règne de Bouteflika. La colombe de la paix sera de retour timidement le 21/7/2010 dans une autre allégorie de Kamreddine Krim, réalisée à l’occasion de l’Année de paix et de la sécurité en Afrique.

La paix fera sa dernière apparition sur un timbre-poste le 16/5/2018, suite à la décision de l’ONU de décréter cette date comme Journée mondiale du vivre-ensemble en paix. Cette consécration n’est autre que le fruit d’un projet lancé en 2014 lors d’un congrès tenu à Oran, par l’Association internationale soufie alawia (AISA), une ONG affiliée à l’association Cheikh El Alawi pour la culture et l’éducation soufie, basée à Mostaganem et dont le président d’honneur est Cheikh Khaled Bentounes.

Une consécration dont Bouteflika fera tout pour en tirer profit à son avantage dans une campagne médiatique à outrance animée sur les chaînes de la Télévision publique.

Moins d’une année après, Bouteflika démissionnera sous la pression du peuple, qui mène sa révolution joyeuse et pacifique depuis le 22 février. Un mouvement qui continue d’émerveiller le monde entier, poussant de nombreux médias à proposer l’attribution du prix Nobel de la paix de l’année 2019 au peuple algérien. Une distinction bien méritée.

Par/S. ARSLAN

El Watan

Le 13 JUIN 2019



18/06/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 80 autres membres