CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Œuvres de Nasredine Dinet sur les timbres algériens

Une présence en deçà de l’envergure d’un grand artiste


Parmi tous les artistes orientalistes français qui ont séjourné en Algérie, pour une courte ou une longue durée, Alphonse-Etienne Dinet (1861-1929), devenu plus tard Nasredine, après sa conversion à l’islam, est de loin celui qui marquera pour longtemps l’histoire de l’art en Algérie. On continue même à considérer que ses œuvres font partie du patrimoine culturel algérien.

L’Etat algérien ira même jusqu’à lui consacrer tout un musée à Bou Saâda, inauguré en 1993, pour préserver ses tableaux et autres objets pour les jeunes générations. Une manière de rendre hommage à celui qui fut subjugué par le Sud algérien depuis sa première visite en 1884, avant de s’installer progressivement et s’acheter une maison à Bou Saâda en 1905.

Depuis, il y passera une grande partie de sa vie, avant d’y être enterré selon son testament. Nasredine Dinet est aussi l’un des peintres dont les œuvres sont relativement présentes sur des timbres-poste algériens, même si leur nombre demeure encore en deçà de la dimension artistique et culturelle de l’homme. C’est le 29/11/1969 qu’une première émission de deux timbres a vu le jour, révélant deux tableaux parmi les plus beaux réalisés par Dinet.

Le premier, intitulé «Femmes algériennes traversant le lit asséché de l’oued Bou Saâda» est la parfaite illustration des sujets préférés de Dinet. Ceux qui racontent la vie quotidienne à Boussaâda, où on voit un groupe de femmes, dont trois jeunes cachant leur visage, accompagnées d’un petit garçon pieds nus, vêtues d’un burnous, et devancées par une vieille au visage découvert, cuivré par le soleil.

On y trouve les éléments qui reviennent souvent dans les tableaux de Dinet : le vert des palmeraies, le bleu du ciel et l’ocre du Sahara, mais surtout la lumière, beaucoup de lumière. Le second tableau portant comme titre «Les guetteurs», où Dinet peint trois hommes qui semblent guetter une proie, est le sommet du réalisme propre à ce grand artiste. Le 21/10/1976, la Poste algérienne choisira l’un des tableaux les plus marquants et les plus humanistes, celui de «La vieille aveugle et la jeunesse insouciante».

Malheureusement, par ce choix, la Poste avait été complètement hors sujet, car l’œuvre choisie semblait complètement étrangère à la thématique de l’émission consacrée à la «pseudo insertion» des aveugles. Un deuxième timbre de la même série, dessiné par Mohamed Temmam, portait la sinistre image qu’on a souvent voulu coller aux non-voyants, réduits à la piètre besogne de fabricants de balais, alors qu’ils sont aptes à faire d’autres choses beaucoup plus intéressantes.

On retrouvera l’empreinte de Dinet pour la dernière fois dans le catalogue philatélique algérien grâce à deux timbres parus le 21/11/1985, portant des tableaux de palmeraies, un sujet qui revient souvent dans les œuvres de ce peintre. Par manque d’imagination ou d’initiative, la Poste algérienne s’était figée dans ces timbres, alors qu’un musée aussi grand soit-il ne pourrait contenir toute l’œuvre de Dinet, qu’on a tendance à mettre aux oubliettes.

Dans le musée qui lui a été consacré à Bou Saâda, un très bel autoportrait de lui n’a jamais suscité le moindre intérêt pour figurer sur un timbre. «L’autoportrait de l’artiste» a été réalisé en 1891 dans la propriété de Dinet, au château d’Héricy, en Seine-et-Marne. Un tableau qui sera offert par les nouveaux acquéreurs de ce château à Hadj Slimane Ben Brahim, fidèle ami de Dinet, avant de se retrouver au musée de Boussaâda. On citera également d’autres tableaux éparpillés entre le musée des Beaux-Arts d’Alger, le musée d’Oran et le musée national Cirta de Constantine, qui détient sa belle toile «La voyante».

Dinet est un peintre très coté de nos jours. On rappelle que l’une de ses toiles, intitulée «Sous les lauriers roses» a été vendue pour 745 000 euros par Christie’s à Paris, en juin 2013. La vente parisienne de juin 2013 chez Christie’s de tableaux d’Etienne Dinet, provenant de la collection privée d’un homme d’affaires algérien très connu, a déclenché une vive polémique, au point que certains médias l’ont qualifiée d’«exportation frauduleuse d’œuvres d’art relevant du patrimoine national». Paradoxalement, on ne retrouve plus les œuvres de Nasredine Dinet sur les timbres algériens. Comme quoi, il y a une grande différence entre le discours et la réalité.

Par/Arslan Selmane

El Watan



14/07/2017
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