CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Il était une fois les Blue Jeans

Les Blue Jeans, ce groupe ne dit peut-être pas grand-chose aux nouvelles générations, mais dans un passé pas si lointain, une simple affiche de l’un de leurs galas pouvait drainer la foule et remplir le théâtre de Constantine, l’U.P, le stade Benabdelmalek ou encore les défuntes salles du Manoir, Palmarium ou celle du Casino de Constantine.

Les Blue Jeans, c’était surtout des jeunes qui n’avaient pas froid aux yeux. Malgré une Constantine post-indépendance où le malouf trônait en roi, ces jeunes ont eu l’audace de s’émanciper, en quelque sorte, des styles musicaux conventionnels de l’époque faisant partie des pionniers de la musique pop algérienne.

Ils ont pu ainsi exprimer pleinement leur talent et sont arrivés à exporter leur art jusqu’à l’international tout en restant fidèles aux sonorités locales et faisant des mélanges de styles inédits. Cette rubrique essayera de dresser l’itinéraire de ce groupe mais se veut surtout être un hommage à ces grands artistes.

Blue Jeans, Rangers, la genèse

Le groupe Blue Jeans a vu le jour vers la fin de l’année 1962 à l’initiative de deux jeunes hommes âgés de 17 et 18 ans qui deviendront par la suite les deux membres les plus importants du groupe. Il s’agit de Zouaoui Abdelkrim, dit Krikri, et Boussaïd Kamel.

Ils choisirent deux autres compères et fondèrent ce qui sera l’un des premiers groupes de pop algérien après l’indépendance. Le groupe prit initialement le nom des Rangers. Ce n’est que quelque temps plus tard que le nom des Blue Jeans fut finalement adopté sur une proposition de celui qui allait être la pièce maîtresse du groupe, il s’agit de Krikri.

Pour retracer l’histoire des Blue Jeans, il faudrait suivre le parcours de ses membres fondateurs qui étaient :

– Zouaoui Abdelkrim, dit Krikri. 17 ans. Guitare et chant.

– Boussaid Kamel, dit Bechet. 18 ans. Saxophone et clarinette.

– Babari Mourad. 16 ans. Batterie.

– Benzine Mohamed. 17-18 ans. Percussion.

Le plus jeune, Babari Mourad, partant poursuivre ses études en Russie, n’est pas resté très longtemps dans la formation. Benzine Mohamed, lui aussi connut une courte période au sein du groupe. Il était percussionniste au sein de l’orchestre d’El Moustaqbel. L’itinéraire des deux initiateurs du projet n’avait pas besoin d’un coup de pouce du destin pour se croiser.

De la société des chemins de fer de Constantine à El Moustaqbel, les deux étaient déjà complices. Kamel Boussaid a commencé à apprendre la musique à l’âge de 12 ans sous l’égide d’un voisin espagnol du nom d’Henri Castano qui était fondateur et chef d’orchestre de l’école de musique des chemins de fer. Deux années plus tard, et un solfège en poche, il rejoindra l’orchestre Castano en qualité de second clarinettiste, et ce, jusqu’à l’indépendance.

Il remportera au sein de cette école le premier prix de clarinette, le premier prix d’exécution et le premier prix de lecture à vue. Il rejoindra dès 1962, l’orchestre de variétés modernes d’El Moustaqbel sous la direction de Benrachi Mohamed,et débutera une carrière d’enseignement au sein des cheminots ainsi qu’une belle carrière de volley-ball au sein de la même institution (équipe sportive créée par Henri Castano !

Krikri, quant à lui, a toujours baigné dans un univers musical, car il est le fils de Zouaoui Makhlouf, un cheikh de malouf connu dans le milieu de la formation qui a fait partie en tant que luthiste/soliste des premiers orchestres pilotes constantinois. Il rejoindra l’école de Castano en 1961 pour rallier une année plus tard El Moustaqbel en qualité de guitariste.

Les Blue Jeans, naissance d’un style et premier prix

Le groupe ne tarda pas à connaître le succès, la jeunesse constantinoise s’identifiant au style musical pop de leurs contemporains. Les représentations du groupe affichaient guichet fermé et les salles de la ville commençaient à trembler sur les airs de leurs reprises des Beatles, Elvis Presley, Ray Charles ou Cat Stevens. Krikri commençait déjà à exposer sa virtuosité en faisant les premières expériences de fusion entre de la musique pop et des textes en arabe.

En effet, en 1966, le groupe comptait une dizaine de chansons de «pop algérienne» écrites et composées par Krikri (il fera la composition, l’arrangement musical et écrira les paroles de toutes les productions originales des Blue Jeans ! Ces chansons firent le succès du groupe et leur permirent même de remporter le premier prix lors de la Fête de la jeunesse de 1966 et de recevoir une guitare Hofner des mains du président Boumediène.

Les Blue Jeans : la consécration

Le groupe continua son ascension et Krikri son innovation en intégrant des instruments tels que les bongos ou la tumba et faisant de nouvelles fusions (pop et malouf, pop et wasfan). Durant cette période, les membres du groupe se succéderont et l’orchestre pouvait compter jusqu’à 9 musiciens par certaines occasions. Boussaid quittera le groupe de 1966 à 1970 et fondera un groupe de jazz Les Cirtéens avec lequel il remportera le premier prix aux Algeriades de 1967.

La formation Blue Jeans connaîtra, entre autres, Amireche, Hacene Zouaoui (frère de Krikri), Benmeghsoula, Mahdjoub, Barouk, les frères Dellouche (Fodil, Kheir et Krim), Slimani et Bensegueni.

Le groupe se produira un peu partout en Algérie (Alger, Oran, Souk Ahas, Tiaret, Sidi Bel Abbes, Hassi Messaoud… et en dehors du pays. La composition de Krikri se poursuivra, et le répertoire du groupe comptera au moins une trentaine de chansons de musique pop algérienne dont la majorité fut enregistrée lors des nombreux passages du groupe à la télévision. Krikri composera également pour des productions télévisuelles et cinématographiques. Durant cette période féconde, le groupe produira deux disques 45 tours et 1 disque 33 tours qui sera également édité sous format K7 pour un total de 15 titres.

Les Blue Jeans, la fin

Le 20 août 1985, Constantine a vécu une bien triste journée. Les Blue Jeans avaient perdu leur métronome Abdelkrim Zouaoui, dit Krikri, mort dramatiquement. Le groupe persistera par la suite sous la direction de Hacene, frère de Krikri, mais bon nombre des membres importants de la formation l’on quitté après la perte tragique du 20 août. Le groupe rendra hommage à son génie en prenant le nom de Dikra Krikri et continua fidèlement dans son style musical qui a fait ravir et fera encore ravir des générations entières.

Par/ AMMAR BOURGHOUD

Le 09 OCTOBRE 2019

El Watan



09/10/2019
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