CHAOUKI-LI-QACENTINA

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La forge, un savoir-faire sans avenir

Cette ville millénaire autrefois renommée pour ses métiers et ses arts, en a perdu ou en passe de perdre les plus caractéristiques, à l’exemple de la forge, l’armurerie, la ferblanterie ou encore la sellerie, qui ont été totalement gommés de la mémoire collective.

La forge traditionnelle, ou maréchal-ferrant, un métier ancestral, considéré par les artisans, en particulier les dinandiers, comme le moteur de leur savoir-faire, est en déperdition, à telle enseigne qu’il n’en reste plus qu’un. Nous lui avons rendu visite dans son vieil atelier, sis à l’avenue Rahmani Achour, plus connue par Bardo. Il s’agit de Abdelghani Meghezzi. Il exerce le métier de forgeron depuis 1981. Ce quadragénaire à l’allure imposante jouit d’une grande popularité auprès des dinandiers de la ville.

Nous les avons vus, lui et son frère, à l’œuvre, frappant avec force le tranchant d’une hache qu’il venait de retirer de la forge. Cette belle image du travailleur on ne la voit plus dans le quotidien des habitants du Vieux Rocher, qui se sont plutôt accoutumés aux chantiers de construction, qui poussent comme des champions, ou encore aux fast-foods qui envahissent la ville.)
Il faut admettre que cette ville millénaire autrefois renommée pour ses métiers et ses arts, en a perdu ou en passe de perdre les plus caractéristiques, à l’exemple de l’armurerie, la ferblanterie et la sellerie ou encore la forge. Ils ont été totalement gommés de la mémoire collective en l’absence de volonté de relance.

Questionné à ce sujet, Abdelghani Meghezzi, nous apprend que par le passé, la capitale de l’Est comptait une dizaine de forgerons établis notamment à Aouinet El Foul, au lieudit Remblai (au-dessous du pont Sidi Rached) et à l’avenue Rahmani Achour.
Voici ce qu’il nous dira sur ce noble métier : «Le forgeron est sollicité par tout le monde ; il fabrique toutes sortes d’outils en fer, hachettes, burins et marteaux. Il est au service de l’électricien, du plombier, du peintre, du maçon, du boucher, du menuisier, du dinandier, de l’agriculteur…» A l’approche de l’Aïd El Adha, cette fête religieuse marquée par le sacrifice d’un mouton, Abdelghani, qui s’est mis aussi au goût du jour, compte fabriquer 1000 hachettes, devant servir à découper les grandes pièces de viande.


Beaucoup d’anciens métiers dépendent du forgeron

Selon notre interlocuteur, le métier de forgeron s’adapte à toutes les circonstances et en fonction des saisons. Il explique : «Chaque période est caractérisée par une catégorie de clients, par exemple en été, saison des grandes récoltes, je travaille avec les agriculteurs et les dinandiers. Pour le moment, je reçois beaucoup de bouchers qui veulent acquérir de nouveaux outils pour le dépeçage des carcasses.»
Une hache vaut, nous dit-il, 2000 DA, un prix qu’il trouve raisonnable par rapport à l’effort physique qu’elle lui a coûtée. Surtout que le simple dépeçage d’une carcasse ovine par un boucher se fait à partir de 1200 DA, et c’est un boucher rencontré sur les lieux qui nous le confirmera.
Le dinandier fait aussi appel au forgeron pour se faire fabriquer ses outils de ciselage, dont il se sert pour orner ses objets artisanaux en cuivre. Ces outils sont confectionnés à partir de ferraille, en l’occurrence les amortisseurs de véhicules, nous confie notre interlocuteur.
Une fois forgés, ces instruments de différentes tailles et formes, sont utilisés dans l’emboutissage, le ciselage et le dressage.

Et notre artisan de nous citer les noms de quelques outils : «zobra» (socle pour le rabattement et le ciselage), «h’dida» (bar d’appui pour l’emboutissage), «doukmak» (maillet en bois pour le ciselage) «dafra» (burin semi-rond pour le ciselage), et «nokta», (sorte de stylet, ou perloir, servant à sculpter des reliefs). Pour en savoir plus sur ce métier méconnu de forgeron, nous avons sollicité l’avis du président de l’association des dinandiers de Constantine, Lahcen Boudinar. Selon lui, «le forgeron représente, notamment pour les dinandiers, la prunelle de leurs yeux ; c’est grâce aux outils qu’il réalise qu’ils peuvent travailler et produire à leur tour». Pour la matière première, plus précisément le métal ferreux, nous saurons que les 80 % utilisés dans la forge sont obtenus grâce aux marchés avec les ferrailleurs.

O.-S.Merrouche

El watan

Le 17.09.2013



17/09/2013
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