La spéléologie s’allie à la plongée au lac souterrain
2 décembre 2011
Ayant fait partie de l’équipe des spéléologues invités par l’ex-syndicat d’initiative, le siècle dernier, afin de mesurer l’importance du monde des grottes de la wilaya de Guelma, Mr Bélaoud Mohamed a pu découvrir, alors, le lac souterrain également. Cette fois-ci, toujours sur sollicitation de l’office du tourisme, dans la perspective de compléter l’ancienne description du 19e siècle relatant surtout les péripéties de formation de cette curiosité de la nature, notre fidèle ami y est revenu, accompagné de passionnés de la plongée.
Déjà un travail a été accompli en 1997, avec les plongeurs de Guelma, en l’occurrence Mr Hanafi Med et ses enfants, quand il s’est agi de collecter un certain nombre de données nécessaires au dossier à fournir à la commission nationale de classement des sites et monuments historiques, parallèlement à la cassette vidéo se rapportant à l’ensemble des tâches dont la vérification de la profondeur et complétant le matériel audio-visuel adressé au ministère de la culture.
Le coordonnateur du groupe est accompagné, pour la circonstance, de trois collègues, un spéléologue Mr Djeghim Chaouki et deux plongeurs MM Boumaraf Rafik et Hamza Farid. Mr Benaberkane Salim, autre plongeur, s’est joint à eux, dès leur arrivée. Les plongeurs Hanafi ont répondu favorablement à l’invitation de l’office en se libérant, le 2e jour, et ont renoué contact avec les hôtes, en pleine action.
Le regain d’intérêt pour la poche d’eau emmagasinée dans la cavité est partagé également sous d’autres cieux. A cet effet le quotidien « El Watan », dans son édition du 14 novembre courant, a informé ses lecteurs du projet algéro-français prévu pour les 5 et 6 décembre. Auparavant, le même journal avait fait écho, le 7 juin, de la visite du site par une équipe de plongeurs.
....c’est un plaisir. Plaisir d’explorer, plaisir d’être dans la nature, plaisir d’être avec les copains et de voir de belles choses...
Le 25 novembre, entre deux phases de l’opération, le coordonnateur de la sortie en cours a accordé au président de l’office de tourisme un entretien dont voici une partie :
P.O.T.- Bienvenue à Guelma et plus
précisément au lac souterrain, appelé communément « bir Osman ». Vous
avez déjà commencé à en explorer une certaine partie. Vous êtes chez
nous depuis ce matin. Je voulais, au départ, vous demander dans quel
cadre, vous vous êtes donné de la peine pour parcourir des centaines de
kilomètres et nous procurer le plaisir de nous rendre visite.
M.B.- D’abord, je dirais que ce n’est
pas une peine, mais c’est un plaisir. Plaisir d’explorer, plaisir d’être
dans la nature, plaisir d’être avec les copains et de voir de belles
choses ! Il y en a tellement qu’on ne sait pas où donner de la tête !
Ceci, à titre de remarque préliminaire, sinon cette intervention vient
dans le cadre d’un hommage à un ami, cher à nous. Il s’appelle Ridha
Bélahouel. Il vient de partir définitivement, depuis quelques semaines.
Il est décédé, ce mois-ci. On l’a perdu, à l’âge de 58 ans.
P.O.T.- Aujourd’hui, il est parmi nous ! Nous pensons à lui !
M.B.- Oui, oui, absolument. La sortie
s’inscrit dans ce cadre, d’ailleurs, comme celle de la semaine passée.
On était à Tlemcen, à « ghaar Boumaaza ». On l’a évoqué. On ne cessera
pas de l’évoquer, les prochaines sorties. Ridha Bélahouel était un
spéléologue plongeur. Il a initié même certains chevronnés parmi les
plongeurs européens.
Nous, on est un petit groupe, parfois un grand groupe. A Tlemcen, on
était très nombreux. Aujourd’hui, notre nombre est relativement limité.
P.O.T.- Présentez-nous, s’il vous plaît, l’équipe.
M.B.- En premier, c’est Farid Hamza qui est plongeur. Il fait de la spéléo, aussi.
P.O.T.- Est-il à Guelma, pour la première fois ? je ne l’ai pas vu dans les années 80.
M.B.- Je suis venu avec une petite équipe dans les années 80. On a fait quelques explorations ensemble.
P.O.T.- Même à « ghar Djemaa » ?
M.B.- « Ghar Djemaa » entre autres. Et
même ici. Farid est venu mais dans un autre cadre. Pour ce qui est de la
spéléo, c’est la première fois. Après Farid, il y a rafik. Il est
plongeur aussi. Il a commencé à pratiquer la spéléo, j’allais dire,
souterraine. Je crois que le virus de la spéléo l’a pris. On est dans le
bon chemin.
Il y a, ensuite, Chaouki Djeghim. Il est de Constantine. C’est un ancien
spéléo, depuis les années 80. Il explore surtout dans sa région.
On a la chance d’être aidé et soutenu par l’équipe de la protection
civile de Guelma. On essaie, dans la foulée, de les initier, de leur
montrer l’importance de la spéléo dans les opérations de sauvetages.
P.O.T.- L’échange lui-même est important. Le fait de faire connaissance, également.
M.B.- Telle est notre petite équipe.
Nous constituons une petite coordination pour les explorations. Cette
dynamique, on l’a appelée « Expéditions Ridha Bélahouel »
P.O.T.- Parfait. Vous avez du pain sur
la planche. Je ne vais pas vous retenir longtemps, aujourd’hui. Vous
avez commencé, déjà, le travail. Pourriez-vous nous donner vos premières
impressions, avant de continuer, par la suite ?
M.B.- Ce matin et au début de l’après
midi, on a exploré, un petit peu, ce lac souterrain. On a fait, à peu
près, au moins, une centaine de mètres, en longueur et en développement.
On a exploré par des plongées souterraines des siphons et des galeries
noyées poussées, aujourd’hui. La profondeur varie selon les endroits.
Elle atteint jusqu’à 16 mètres. On remarque quelques départs, au fond.
Ils sont au nombre de trois. Le premier se trouve juste à l’entrée.
C’est une galerie qui évolue sur une dizaine de mètres. Elle devient
étroite vers la fin et se casse. Elle n’est pas très vaste. Le deuxième
départ se situe au fond, à gauche. C’est une galerie complètement noyée.
Elle part à moins douze. Au début, elle est horizontale, puis elle se
dirige vers le NW, se prolongeant sur une cinquantaine de mètres, à
partir du fond. Pour le dernier trou, l’équipe de plongée a été
impressionnée. C’est très vaste. Les copains ont surtout l’habitude de
plonger en mer, dans les grandes profondeurs. Ici, on sent également une
grande profondeur. L’impression est carrément celle qu’on éprouve
devant des abysses. On va voir ce que cela peut donner, tout à l’heure
et surtout demain.
Bien sûr, on utilise un fil d’Ariane. C’est parmi les techniques
indispensables, car on peut se perdre, l’eau pouvant devenir trouble
voire chocolatée.
P.O.T.- Il ne faut pas perdre le fil d’Ariane !
M.B.- Il ne faut pas perdre le fil d’Ariane et il ne faut pas perdre le nord !
P.O.T.- Vous parlez de plongée. Je ne
vais pas vous parler de plan d’eau et vous demander si vous avez trouvé
une plaque commémorative que l’office a placée, il y a quelque temps*.
M.B.- Non, pour le moment. Peut-être
demain. Mais je signale qu’il y a une barque* à une certaine
profondeur.
On a pris des photos, bien entendu, sur la configuration des galeries et
des profondeurs. On rencontre des indications. Tout au long de mes
observations, j’ai été intrigué par le fait de ne pas trouver une
certaine géomorphologie, une certaine forme nous indiquant que la grotte
est d’origine hydrothermale. C’est l’hydrothermalisme qui crée
pratiquement ces vides. Mais, grand point d’interrogation. Les traces
d’hydrothermalisme, je ne les ai pas trouvées. De l’une ! Et de deux,
dans les grandes profondeurs, se voit un chenal, d’une manière claire.
C’est donc par ce passage que coule l’eau. C’est l’amenée, disons, ou le
déversoir du courant de l’eau. Celle-ci sort d’où ? On ne sait pas ! La
présence du sable et de la boue nous donne des indications pouvant se
révéler intéressantes pour expliquer certaines choses dont les
écoulements actuels ou passés et même la genèse de la cavité.
P.O.T.- Vous remarquez que la grotte
est différente des autres, sans aucun doute, par plusieurs aspects. Je
vous dirais que les stalactites et les stalagmites, vous n’en trouverez
pas beaucoup. Elles commencent à se former. Il y a certaines
stalactites, toutes petites, là, au-dessus de nous, accrochées à la
voute de la cavité. On ne trouve pas, par contre, les concrétions de la
majestueuse « Djemaa » par exemple et tout son spectacle de stalactites
et stalagmites.
M.B.- Non, on ne peut pas la comparer à
« ghaar Djemaa ». Pourtant, il est indéniable que le concrétionnement
et les coulées de stalagmites, on en trouve. Au fond, il existe des
coulées, quand même.
P.O.T.- Elles sont en formation depuis, à peine, un siècle et une trentaine ou quarantaine d’années.
M.B.- Elles se sont formées, il y a
longtemps, déjà. La cavité est encore active. Il y a des stalactites qui
sont formées. Il n’y a pas mal de stalactites, pas grandes ; mais il y
en a. On perçoit des coulées. Au fond, se voit le recouvrement des
parois par certaines couches qu’on peut appeler des boursouflures.
Certains concrétionnements sont assez particuliers. Dans les cassures ou
petites failles, se développent de petites coulées, des stalactites,
notamment.
On trouve la couleur ocre, également. Elle est naturellement due à la
présence de fer.
Additionnellement, une des remarques importantes à ne pas oublier se
rapporte à la bonne colonie de chauve souris. L’espèce n’est pas celle
des rhinolophes qu’on a trouvés à « ghaar Boumaaza, avec les myotis.
C’est des chauves-souris…on peut le savoir par la suite. Il est possible
d’en déterminer l’espèce. Apparemment, il y en a une seule, ici, dans
la présente cavité.
M.-L. GASMI
*Observations :
- La plaque commémorative remonte à l’année 1997, lors de la tentative
de classement du site dans le cadre du patrimoine national.
- Les profondeurs ne contiennent pas qu’une seule barque. La seconde se
trouverait dans la partie de droite que l’équipe, malencontreusement,
n’a pas eu l’occasion de prospecter.
Lien : http://www.guelma.org/francais/index2.php?rub=divers&srub=actualites_guelma&actu=20111202_speleologie_lac_souterrain_guelma
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