CHAOUKI-LI-QACENTINA

CHAOUKI-LI-QACENTINA

PISCINE DE SIDI M'CID (CONSTANTINE)

Un lieu mythique

Ce joyau, qui ne souffrait d’aucune comparaison, a longtemps profité aux habitants du Vieux rocher (toutes catégories confondues), autant qu’aux générations de nageurs qui se sont relayées dans le bassin olympique, plusieurs fois témoin de records reconnus à l’échelle de l’Afrique du Nord et de l’Europe.

La piscine de Sidi M’cid était, durant des siècles et jusque dans les années 1980, un véritable sanctuaire, un lieu symbolique où se pratiquaient des rituels dédiés au saint patron éponyme. C’était aussi un lieu de villégiature pour la population. Lové au creux des falaises vertigineuses du Rhummel, dans le cadre verdoyant de la vallée de Sidi M’cid, une bourgade située à mi-chemin entre le chef-lieu de wilaya et la commune de Hamma Bouziane (à 9 km de la ville de Constantine), ce joyau qui ne souffrait d’aucune comparaison, a longtemps profité aux habitants du Vieux rocher (toutes catégories confondues), autant qu’aux générations de nageurs qui se sont relayées dans le bassin olympique, plusieurs fois témoin de records reconnus à l’échelle de l’Afrique du Nord et de l’Europe.

La cascade d’eau chaude jaillissait (et jaillit toujours mais à moindre débit) du rocher, à 3 m de hauteur dans une piscine naturelle de 21 m de long sur 7 m de large et 1,15 m de profondeur. Cette eau sort à une température d’au moins 26°. Pour contenir l’eau de la piscine, à 7 m du rocher, on a aménagé un petit muret pour en réguler le niveau. L’eau est évacuée dans un ancien bassin romain qui a résisté à l’usure du temps. Pendant la présence française, cette piscine romaine de forme semi-circulaire de 37 m de diamètre et d’une profondeur de 1,20 m à 1,50 m, a été restaurée et l’espace compris entre les deux bassins a été aménagé en cabines pour se déshabiller.

Au cours des années 1930, une piscine olympique a été construite afin de recevoir les championnats de France. Elle est alimentée, elle aussi, par la cascade d’eau chaude. Hiver comme été, on se baigne à Sidi M’cid, car la température de l’eau, même lorsqu’il neige, n’est jamais inférieure à 22°. La source alimente d’abord un petit bassin appelé «La petite». Ce bassin est destiné aux enfants, sa profondeur n’excède pas un mètre. 

D’une conception exceptionnelle de par sa position naturelle sous le rocher, ce bassin est très sollicité par les nageurs de tous âges. Cependant, son débit a singulièrement diminué du fait des travaux entrepris durant les années 1980 par une société étrangère, qui a dévié le cours de la source. D’ailleurs, il a fallu procéder à un pompage d’eau pour pallier ce déficit. Un peu plus en avant, l’on trouve le grand bassin, dénommée «Brimo», déformation sans doute du mot «primo», qui accueille pratiquement tous les jeunes qui s’amusent à faire des distances. Sa partie basse a été restaurée dans le respect du matériau originel. Mieux encore, tout autour du bassin l’on a reconstitué quelques pièces de poteries antiques témoignant des diverses civilisations qui se sont succédé sur les lieux. Tout autour, le cadre est tout aussi idyllique de par son pittoresque qui s’offre aux yeux des visiteurs, il est entouré de l’impressionnant rocher qui abrite le monument aux morts.

En faisant un petit crochet à droite, l’on arrive au bassin olympique situé en contrebas du même rocher, un endroit plein d’histoire, de trophées et de titres, où une flopée de nageurs ont marqué de leur empreinte une belle époque, à l’instar des Hamlaoui, Rghida, et autres Chanderli. Il faut noter qu’en entrant dans ce site en forme de cuvette entouré d’une flore impressionnante, c’est d’abord le Palmarium qu’on aperçoit, un restaurant qui accueillait jadis beaucoup de convives et où se déroulaient des soirées exceptionnelles. Mais c’est une autre histoire qui s’est achevée dans l’indifférence la plus totale. Ainsi, ce dernier qui se trouve actuellement dans un piètre état, lugubre et infect, va faire l’objet d’une restauration. Pour les anciennes générations (aujourd’hui septuagénaires et octogénaires) ces lieux ont marqué leur jeunesse, puisque, au même titre que les salles de spectacles et de cinéma, l’ambiance y était extraordinaire. Pour l’anecdote, un vieux nous rapporte à ce sujet : «Même les Mozabites fréquentaient la piscine presque au quotidien, et ce, du printemps à l’automne.

Ils étaient les premiers à venir à partir de 4h du matin pour rentrer avant 7h et entamer ainsi leur travail dans de bonnes conditions physiques. Nous, on avait toute la journée devant nous.» Il nous relate, non sans émotion, que les compétitions qui s’y déroulaient attiraient beaucoup de gens qui suivaient assidûment les nageurs de l’époque. On y pratiquait même le water-polo, un sport que beaucoup ignorent maintenant. Actuellement, il a été décidé de raser cette piscine olympique suite à un rapport d’expertise qui y a décelé des fissures. D’importants travaux sont en cours pour construire un autre bassin olympique conforme aux normes requises, selon le directeur de l’ODEJ, Mohamed Leulmi. Contacté par nos soins, il nous confie que d’importants travaux sont prévus dans le cadre de l’événement «Constantine, capitale arabe 2015».

Rituels païens et légendes millénaires de Sidi M’Cid

Notre interlocuteur ne s’empêchera pas de nous apporter la touche historique, disant : «Il faut savoir que cet espace, bien avant la construction de ces bassins au début du XXe siècle par le maire Morinot, constituait une sorte de station pour les caravaniers qui y commerçaient. Cette piscine s’appelait ‘‘Hafrat Sanhadja’’, la tribu berbère des Sanhadja venue des Aurès, y ayant trouvé son compte. La source thermale qui alimentait les bassins de l’époque offrait à ces troqueurs un lieu de détente inégalé, au point où elle prit leur nom : Hafrat Sanhadja.»

Et de poursuivre : «Bien avant, cet endroit avait longtemps fasciné toutes les civilisations, d’où le mausolée dédié à Jupiter, dieu romain représenté par un aigle tenant une plume dans ses griffes. Ce lieu était un concentré de bassins (Sidi Maïmoun) caractérisé par l’architecture phénicienne. D’ailleurs les Phéniciens en firent un lieu de culte voué au saint patron de la ville, Sidi M’cid, un homme noir, qui y fut enterré (du côté de l’actuel CHU de Constantine).» Notre interlocuteur nous fera remarquer qu’une gravure rupestre a été déterrée à la Casbah représentant le rituel de la «nechra», l’on y voit l’égorgement d’un coq, une tradition très lointaine perpétuée par certaines familles constantinoises. Présentement, c’est la zaouïa des Ouasfane, notamment «Dar Haoussa et Bernou» qui ont pris le relais.

Le directeur de l’ODEJ poursuit, non sans fierté, que du temps de la Numidie, Mastanabal, fils de Massinissa, avait réussi une belle performance sportive lors des Jeux panathéniens, ce qui lui permit d’avoir une stèle à Athènes, qui existe toujours. Nous saurons ainsi  qu’une fresque se trouve au musée Cirta qui retrace tout un pan de l’histoire de ces lieux.

Aménagements prévus

L’on a constaté durant le mois de Ramadhan et cette période estivale, une forte affluence à la piscine. Les familles s’en donnent à cœur joie dans les deux bassins. A ce propos, notre interlocuteur nous informe qu’ils ont accueilli plus de 40 000 visiteurs depuis le mois de juin en organisant des soirées familiales avec un concept emprunté à celui de Paris («journées de plage à Constantine»). «L’ambiance était magnifique», a-t-il noté.

Pour les aménagements prévus, le directeur de l’ODEJ nous fera part de la construction d’un arc de triomphe à l’entrée du site. Selon lui, le bassin olympique comportera 8 couloirs avec toit amovible pour accueillir toutes les compétitions officielles. Notons enfin que la direction a prévu un système de réchauffement de l’eau des bassins à une température de 29° en hiver. Par ailleurs, il est prévu la réalisation d’une auberge de jeunesse, toujours en conformité avec la nature du site. Le transport reste un handicap pour ces badauds qui peinent à s’y rendre et surtout à rentrer chez eux. Côté sécuritaire, il n’a été signalé aucun incident notable, fait qui incite tout ce beau monde à fréquenter ces lieux en toute quiétude.

N. Benouar

El Watan

Le 25.08.13



25/08/2013
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 80 autres membres