CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Randonnée à Oued El Bared (Partie 2)

Une affreuse plaie au pied du massif du Babor, la décharge communale d’Oued el Bared


Après la visite des belles cascades des Ouled Ayad, la promenade continue en empruntant le CW 134 A qui contourne par le sud les flancs du majestueux massif du Babor. On ne sait pas d’où vient cette dénomination. Est-ce un mot berbère ou arabe ? Que signifie-t-il ? Ce qui est observable c’est la forme oblongue qui s’étire d’Ouest en Est évoqué un bateau. Un immense navire ou plutôt une arche de Noé qui culmine sur 2004 mètres d’altitude et couvre près de 1700 ha où vivent, ou probablement survivent de nombreuses espèces végétales et animales dont les plus connus sont le sapin de Numidie, la sittelle kabyle, un petit oiseau passereau quasi mythique découvert en 1975 par un naturaliste belge du nom de Ledant. Sur sa calotte verte on devine la forêt de sapin de Numidie qui s’étale sur le petit plateau. Une relique d’un autre temps. Cet endroit magnifique est protégé naturellement par de profondes falaises vertigineuses et on n’y accède que par une seule piste généralement sous contrôle des gardes forestiers… ou de quelques bovins à l’état semi-sauvage. Il fait l’objet de rares visites de chercheurs et d’étudiants en sciences de la nature. L’éminent botaniste Pierre QUEZEL y séjourna dans les années 50 en compagnie… de combattants de l’ALN avec qui il aurait partagé la galette et le gîte. Il y retourna en 1986 en compagnie de professeurs de l’université de Sétif, du conservateur des forêts et de moi-même, alors responsable de l’antenne régionale du BNEDER (Bureau national d’études de développement rural).

D’Iferhounène, chef-lieu de la commune d’Oued El Bared, le chemin de wilaya 134 A gravit la pente abrupte par de nombreuses boucles. Le corps de chaussée est abîmé et la voie se rétrécit à quelques endroits endommagés par les affaissements de terrain. Puis, sur un col, apparaît un replat dégagé sur lequel sont érigés quelques vieilles maisons et un petit hangar d’élevage de construction plus récente. C’est Tafza. La présence humaine est rare, presque furtive. Il y a peu de temps cette contrée retirée et boisée était déserte et l’insécurité de la décennie noire a fait fuir les plus courageux de ses habitants. A présent, un poste militaire y apporte la quiétude et y aide à rendre vigueur à son activité productive : la petite agriculture de montagne. L’élevage du veau se mêle avec celui de la chèvre, du mouton et même du poulet. On y trouve de nombreux ruchers qui produisent le meilleur miel de la région et le plus cher aussi : entre 3000 et 8000 dinars le kilogramme. Celui dit « horr » (de l’abeille libre se nourrissant dans le maquis) atteint la somme astronomique de 10 kg. Sur les petites parcelles proches des sources d’eau refleurit la plantation fruitière rustique au pied de laquelle foisonne le maraîchage fait de la pomme de terre, l’oignon, l’ail, la courgette… Une culture vivrière, en somme. Dans les années 70 et 80, l’Etat a aidé les habitants à planter du noyer, à aménager les sources et les séguias et promouvoir les élevages pour améliorer la productivité de l’agriculture de montagne et les revenus des habitants.

Mais cela ne suffit pas, pour le moment, d’en tirer un profit substantiel à même de satisfaire les besoins de la vie dans ces espaces isolés, voire inaccessibles quand le manteau neigeux vient à les couvrir pendant de longues semaines. L’électricité est arrivée, timidement, mais l’on se chauffe et cuisine avec le bois mort qui ne manque pas dans les environs.

La route toujours sinueuse et usée, à présent presque horizontale, continue et on n’est plus loin des limites territoriales avec la commune de Babor dont le chef-lieu est Souk el Djemaa. Soudain, le regard est agressé par un affligeant spectacle, celui d’un grand déversement d’ordures ménagères à même la pente du bas côté de la route : il s’agit de la décharge de la commune de Oued El Bared qu’on ne peut qualifier de contrôlée. Quand on sait que l’essentiel de nos déchets est composé d’une grande quantité de plastique de tout genre, dégradable sur quelques milliers d’années, et que ce matériau transporté par le vent et les eaux de ruissellement atterrit en très grande partie dans le barrage d’Ighil Emda à quelques kilomètres plus bas, ce grand réservoir d’eau potable qui desservira des centaines de milliers d’habitants, on mesure tout le désastre généré par ce fait inqualifiable d’agression à l’environnement et à la santé publique que la loi punit. Cette plaie doit interpeler les autorités de la wilaya en charge de la protection de l’environnement, des forêts, des ressources en eau, de la santé publique et même de la protection civile (à cause des risques possibles de départ du feu).

La prospection d’un site plus approprié son aménagement en en centre d’enfouissement aux dimensions des besoins de la commune semble une urgence.

A quelques dizaines de mètres plus loin, pas loin du lieudit de Ledjouada dépendant de la commune de Babor, un panorama à couper le souffle s’offre à nos yeux. Le regard tourné vers le sud porte jusqu’aux djebels Megrès, Anini et Medjounès qui cachent au regard les hautes plaines sétifiennes.

Nous sommes à présent devant l’ancienne belle maison forestière en ruine. Datant de la période coloniale, elle fut construite avec la belle pierre à proximité d’une source toujours généreuse qui irrigue un verger abandonné. Un majestueux arbre qui semble être un cèdre garde les secrets d’histoire de ce belvédère. L’endroit inspirant une tranquilité monastique pourrait être réhabilité pour des usages multiples : poste de surveillance forestière et de maintenance cantonnière, refuge touristique, séjour de recherche universitaire, lieu d’inspiration et de création artistique, etc… mais surtout pas confié à un faux investisseur pour en faire une gargote.

Par/Hamoud ZITOUNI, agronome. Avril 2017

SETIF.INFO



08/05/2017
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