CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Son émission a suscité une longue polémique

Histoire d’un timbre-poste non grata

Loin de ressembler à un long fleuve tranquille, les relations des anciennes puissances coloniales avec leurs ex-colonies sont souvent émaillées de malentendus, d’ingérences et de susceptibilités que le timbre, médium d’Etat par excellence, est chargé de véhiculer. Dans le chapitre de ce qu’il est convenu d’appeler «La guerre des postes» figure le timbre ci-contre émis par la Poste française le 9 décembre 1989, en «hommage aux harkis - soldats de la France».

Sa valeur faciale de 2,20 francs correspondait au tarif de l’affranchissement d’une lettre de premier échelon de poids (moins de 20 g) pour la France métropolitaine. La question des harkis étant un sujet sensible, ayant trait à une page douloureuse de l’histoire commune algéro-française, celui des supplétifs algériens qui ont trahi leurs compatriotes durant la guerre de Libération nationale, pour s’engager aux côtés de l’ennemi. Il n’est donc pas étonnant que ce timbre ait essuyé d’emblée le refus des autorités postales algériennes.

Pourtant, une charte de bonne conduite internationale proscrit l’utilisation du timbre à des fins de propagande ou de provocation à l’encontre d’un autre pays. La recommandation C 27, adoptée par le congrès de l’Union postale universelle (UPU), réuni à Hambourg en 1984, invite les administrations postales, lors du choix des sujets de leurs émissions de timbres-poste à :

- tout mettre en œuvre pour éviter des thèmes ou des dessins ayant un caractère offensant pour une personnalité ou un pays ;  
- choisir des sujets susceptibles de contribuer à la diffusion de la culture, au resserrement des liens d’amitié entre les peuples, à l’instauration et au maintien de la paix dans le monde.(1)

Pour parer à cette émission, l’instruction générale des PTT, un recueil de textes réglementaires, qui plus est hérité de l’administration coloniale, est tout désigné pour ce cas de figure. L’article 439 de son troisième fascicule stipule qu’«il n’est pas donné cours aux objets de correspondance portant une suscription injurieuse ou des menaces, ainsi qu’à ceux sur lesquels figurent, manuscrites ou imprimées, ou encore sous forme de vignettes, des mentions, devises, citations d’auteur, etc., outrageantes ou injurieuses pour des particuliers, des collectivités ou des corps constitués».

C’est ainsi que les lettres expédiées en Algérie affranchies avec ce timbre furent retournées à l’envoyeur avec une référence manuscrite ou sur papillon ronéotypé à l’article n°439, fasc. III A de l’Instruction générale sur le service des Postes. Télégraphes et téléphones, revêtus des mentions : «Non admis» - «Timbre-poste présentant un caractère injurieux pour la République algérienne». Tirée à un peu plus 11 millions d’exemplaires, cette figurine postale interdite de circulation sur le territoire algérien fut retirée de la vente le 20 avril 1990.

Au fil des ans, ces «guéguerres postales», que d’aucuns font remonter aux années 1940 avec la question allemande, génèrent des plis très recherchés par des collectionneurs férus d’histoire et de politique, sur lesquels s’affrontent les idéologies et se côtoient la petite histoire postale et la grande histoire des nations.

Mohamed Achour Ali Ahmed

El Watan



19/02/2015
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