CHAOUKI-LI-QACENTINA

CHAOUKI-LI-QACENTINA

Timbre en hommage au héros mexicain Emiliano Zapata

Un invité-surprise de la Révolution du 22 février

 

La journée du mercredi 10 avril a été particulière en Algérie. Alors que la police réprimait les manifestants sortis protester contre «l’intronisation» de Abdelkader Bensalah comme chef de l’Etat, le monde assistait à la diffusion dans les médias de la première image d’un trou noir au cœur de la galaxie M87, située à 53 millions d’années-lumière de la Terre.

Un événement qui fera date dans l’histoire de l’astronomie. Même s’il est passé inaperçu chez nous, en cette période du hirak, qui bouclera demain son 9e acte, les Algériens en connaissent déjà une longue histoire, après avoir vécu sous le règne d’un «trou noir» durant 20 ans.

Ils ne sont pas près de connaître un autre trou noir, même pour trois mois. Le même jour, alors que les marches battaient leur plein dans tout le pays, le service philatélique d’Algérie Poste décide de débarquer un révolutionnaire du nom d’Emiliano Zapata, comme un extraterrestre, sur la place de la Grande-Poste.

Le timbre, dessiné par Tayeb Laïdi, a été émis à l’occasion du centenaire de la disparition de cette personnalité mexicaine. Illustrant un portrait de cet homme aux célèbres moustaches, à côté d’une photo de lui portant son charro, un costume en laine ou en daim, comportant un pantalon, une veste, une chemise et des bottes, avec le chapeau propre aux hacendados (propriétaires de plantations), cette figurine a laissé perplexes de nombreux philatélistes.

Il faut dire franchement que ce nom ne disait rien pour la majorité des Algériens. Ces derniers préfèrent plutôt voir sur les timbres de leur pays des hommages pour le centenaire de la naissance de Mostefa Benboulaïd (1917-1956), ou celui de Mohamed Boudiaf (1919-1992).

On s’étonne déjà que les décideurs au service philatélique en connaissent eux-mêmes un bout, alors qu’ils n’ont pas la moindre notion sur l’histoire de leur pays. Mais, curieusement et en cherchant à découvrir cet homme aux longues moustaches, qui a marqué une période critique dans l’histoire du Mexique,  on découvre des coïncidences troublantes avec ce qui se passe actuellement en Algérie.

On saura qu’Emiliano Zapata Salazar, dit El Caudillo del Sur (8 août 1879-10 avril 1919), fut l’un des principaux acteurs de la Révolution mexicaine de 1910 contre le président Porfirio Diaz, puis de la guerre civile, qui durera jusqu’à 1920. Issu d’une famille de propriétaires terriens, Zapata est à l’âge de 30 ans à la tête du «Comité de défense», faisant de lui un défenseur des intérêts de son village. Un principe pour lequel il consacra sa vie.

Il s’impliqua en 1910 dans la lutte armée des villageois, spoliés par de puissants investisseurs mexicains et étrangers. A l’époque, le Mexique était gouverné par le général Porfirio Diaz (1830-1915), qui accéda au pouvoir en 1876. Il gouvernera sans partage le pays pendant 34 ans, instaurant un régime autoritaire nommé «porfiriato» ou «porfiriat».

Après avoir obtenu deux mandats, il décidera d’annuler la limitation du nombre de mandats dans la Constitution mexicaine. Sous son régime, les journaux loyalistes reçoivent des financements de l’Etat, et des journalistes d’opposition sont incarcérés. Díaz s’entoure d’un groupe d’hommes d’affaires qui contrôlent la quasi-totalité de l’économie et des finances.

Il favorise les compagnies américaines qui s’accaparent des richesses du Mexique, réduisant les travailleurs à l’esclavage et réprimant les grèves avec violence. En voulant briguer un nouveau mandat en 1910, il fera face à une grande révolution qui le contraindra à fuir le pays et à mourir en exil en France.

Comme l’histoire se répète étrangement, 123 ans après Diaz, Bouteflika, qui instaure le «bouteflikisme» et règne sans partage durant 20 ans, fera exactement la même chose en Algérie. Il connaîtra le même sort. Quant à Zapata, il sera victime des dissidences entre révolutionnaires durant la «période transitoire» ayant suivi le départ de Diaz. Les «porfiristes» profiteront de cette phase pour continuer à occuper des positions importantes.

Comme c’est le cas aujourd’hui pour le clan des «bouteflikistes» dont les Algériens réclament le départ. Le 10 avril 1919, Zapata tomba dans une embuscade tendue par l’armée mexicaine. Il fut abattu à bout portant. Après des années de guerre civile, le Mexique connaîtra la délivrance.

Illettré, Zapata laissera pour l’histoire sa célèbre maxime : «Mieux vaut mourir debout que vivre toute une vie à genoux.» L’Algérie sera l’un des rares pays étrangers à perpétuer le souvenir de ce révolutionnaire, en lui érigeant une stèle commémorative sur un rond-point du boulevard Fernane Hanafi, à Hussein Dey (Alger). Elle a été inaugurée le 11 octobre 2011.

Par/ S. ARSLAN 

Le 18 AVRIL 2019

El Watan



14/05/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 80 autres membres