CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Boubaghla, Cheikh Amoud et Benchohra sur timbres-poste

Une injustice réparée, en attendant d’autres


Dans une chronique parue en avril 2015, nous avons soulevé l’injustice qui a frappé durant des décennies les grandes figures de la résistance populaire contre l’occupation française de 1832 à 1916.

Aujourd’hui, soit trois ans après, l’appel semble avoir été entendu. Les vénérables héros Bennacer Benchohra et Chérif Boubaghla, ainsi que le grand Cheikh Amoud Ben Mokhtar devraient être heureux dans leurs tombes, après les hommages qui leur ont été rendus sur trois timbres-poste dessinés par Tayeb Laïdi et émis le 5 juillet dernier. Il fallait surtout attendre avec impatience cet anniversaire de l’indépendance, en dehors duquel aucun autre hommage n’est possible.

Comme première remarque, on soulève que les trois hommes n’ont pas eu le même traitement. Benchohra a eu droit à un très beau portrait, dans une stature dominante, bien mise en exergue, avec tenue impeccable, barbe bien taillée et regard d’un vrai chef. Ce n’est pas le cas pour Boubaghla qui, bien qu’affichant un sourire optimiste avec son très beau costume, a été presque étouffé par une scène de bataille, mise en avant du tableau, alors qu’il fallait donner plus de valeur au portrait.

Le visage caché derrière un bout de voile, le Cheikh Amoud passe pour un quelconque vieux Targui à la peau cuivrée par le soleil. La deuxième remarque à souligner, et qui n’est pas des moindres, est l’apparition de légendes en anglais sur les timbres (en plus de l’arabe et de tamazight). Une nouveauté qui suscite des interrogations, dont on aura une réponse peut être dans les prochaines émissions. Sans trop s’attarder sur les aspects esthétiques, on ne peut que louer cette initiative classée dans la catégorie des événements philatéliques.

Même si «l’événement dans l’événement» a été sans conteste cette rencontre «amicale» filmée par les caméras des télévisions, entre la ministre des PTIC, Imene Houda Feraoun et le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, réunis autour d’une table pour une signature «hautement symbolique» de cette émission.

Une sorte d’entente après l’embrouille de l’émission qui devait être consacrée aux martyrs le 18 février dernier. Il fallait quand même rappeler que les deux ministres, qui avaient oublié de faire le moindre sourire face aux caméras, appartiennent l’une et l’autre à deux partis (FLN et RND) qu’il est difficile de réunir autour d’une table même amicale. Mais finalement, devons-nous nous réjouir ? En vérité non.

Car l’Algérie demeure très en retard en matière de reconnaissance envers ses héros de la résistance populaire, absents sur les manuels scolaires, encore plus sur les timbres-poste. Après 56 ans d’indépendance et des centaines de commémorations et de célébrations, les émissions de timbres-poste de l’Algérie consacrées à l’histoire de la résistance populaire à la colonisation française ont occulté pendant longtemps des figures historiques ayant mené des insurrections farouches contre l’occupant. Tout compte fait, on ne retiendra à ce jour que huit personnalités, dont l’Emir Abdelkader, Cheikh Bouamama, El Mokrani, Mohamed Ameziane Belhadad, Hadj Ahmed Bey, Chérif Boubaghla, Cheikh Amoud et Bennacer Benchohra, pour des résistances qui ont duré plus de 80 ans. On devra attendre encore des années pour voir d’autres injustices réparées, notamment à travers un «vrai» hommage, et non une allégorie, dédié à Fadhma Si Ahmed Oumeziane (1830-1863) plus connue par Lalla Fadhma N’soumer, surnommée la «Jeanne d’Arc du Djurdjura» par les Français.

L’autre grand oublié de ces commémorations est Mohamed Ben Abdellah, dit Cheikh Boumaza, qui a mené en 1845 le soulèvement dans le Dahra et l’Ouarsenis. Une région qui sera le théâtre des fameuses enfumades perpétrées par l’armée française pour se venger des tribus qui l’ont soutenu. Le chef des habitants insurgés lors de la bataille de Zaâtcha (du 16 juillet au 26 novembre 1849) contre les troupes françaises du général Herbillon, Cheikh Bouziane, est encore victime de cette amnésie.

Un résistant décapité après son exécution et dont le crâne, ainsi que celui de son capitaine Moussa Derkaoui, et les restes d’une quarantaine d’autres résistants à la colonisation française sont conservés jusqu’à ce jour dans des boîtes au Musée national de l’histoire naturelle de Paris, attendant un rapatriement qui fait l’objet de longues négociations.

Par/Arslan Selmane

El Watan 12 juillet 2018



01/08/2018
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