CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Emission de timbres du 5 juillet consacrée aux résistances populaire

Algérie Poste célèbre la Fête de l’indépendance avec trois timbres plagiés !



Supplément illustré du Petit Journal n°852 du 17 mars 1907,Niels Simonsen : «Bataille de Laghouat 1852», Horace Vernet : «La prise de la smalah d’Abdelkader» ,La tête de Boubaghla et ses armes. D’après un dessin de M. J. Roux

A l’occasion de la Fête de l’indépendance, Algérie Poste a mis en vente le 5 juillet 2018 une série de trois timbres commémoratifs intitulée “Résistances populaires” dessinés par Tayeb Laïdi, dont c’est la première collaboration avec l’administration postale.

Les timbres de 10, 20 et 25 DA aux effigies de trois héros ayant combattu farouchement la colonisation française, en l’occurrence Mohamed Lamdjed Ben Abdelmalek dit Boubaghla (sobriquet signifiant l’homme à la mule), Cheikh Amoud Ben Mokhtar et Bennacer Benchohra, ne manquent pas d’attrait, malgré leurs couleurs fades dues à une mauvaise qualité d’impression.

Leur mise en page et les gros caractères employés par les infographistes du service philatélique dans la transcription de leurs légendes leur confèrent une forte ressemblance avec des affiches de films.

Attributs d’une souveraineté chèrement acquise, ils ont eu l’insigne honneur d’avoir été dévoilés solennellement par deux ministres de la République, Houda Imane Feraoun, ministre de la Poste et des TIC, et Tayeb Zitouni, celui des Moudjahidine, lors d’une cérémonie officielle à l’Opéra d’Alger. Malheureusement, à l’examen, ces figurines postales plaisantes dont les illustrations sont pour la plupart piochées dans l’iconographie coloniale, s’avèrent entachées de plagiat.

Nous sommes assurément en présence de l’un des sujets les plus difficiles à réaliser en timbre-poste au regard de la somme de recherches qu’il requiert (portraits, costumes, armes, etc.).

Algérie Poste s’étant soustrait depuis longtemps à son obligation de mettre à la disposition de ses dessinateurs les ressources documentaires nécessaires, certains d’entre eux, livrés à eux-mêmes, bousculés par des délais trop courts impartis pour la remise de leurs maquettes, optent parfois pour des solutions critiquables. Pour vous en rendre compte, passons en revue ces trois timbres dans l’ordre décroissant de leurs valeurs faciales :

La scène de combat présentée par le timbre à l’effigie de Bennacer Benchohra (25 DA) est copiée à partir d’un tableau intitulé “Le dernier Combat – Bataille de Laghouat 1852” peint par le peintre danois Niels Simonsen.

L’effigie censée représenter le Cheikh Amoud sur le timbre qui lui est consacré (20 DA) est une pâle copie du portrait d’un Targui de Tombouctou que le dessinateur a allégé de son collier à amulettes. Intitulée “Touareg avec le niqab et le litham”, cette gravure exécutée par Henri Thiriat est l’une des illustrations du reportage du célèbre journaliste français Albert Félix Dubois, publié dans “L’illustration ” n°2794 du 12 septembre 1896.

Elle figure également à la page 259 de son ouvrage “Tombouctou la mystérieuse” paru l’année suivante à Paris aux éditions Flammarion. Sur la même page, Félix Dubois nous décrit la coiffe des touareg rencontrés au Mali “…ils adoptèrent une coiffure faite de deux voiles : l’un, le nicab qui s’enroule autour du front et descend sur les yeux en manière d’abat-jour ; l’autre, le litham qui, depuis les narines, couvre toute la partie inférieure de la figure jusqu’au vêtement”.

La scène de combat montrée dans la moitié inférieure de ce timbre est une reproduction partielle d’une gravure intitulée “Un fait d’armes dans le Sahara français – Engagement entre nos troupes et les Touareg” qui s’étale sur la quatrième de couverture du Supplément illustré du Petit Journal n° 852 du 17 mars 1907, l’un des plus anciens journaux français disparu en 1944 dont les dessins restent très prisés par les collectionneurs.

En dépit des efforts du dessinateur visant à adapter cette scène à son sujet en se débarrassant notamment du méhariste saharien qu’il a remplacé par un cavalier, l’illustration n’a rien à voir avec la résistance du Cheikh Amoud ni d’ailleurs avec l’Algérie !

L’explication qui en est donnée dans le même journal situe cet accrochage en 1906 entre les Touareg et une colonne de l’armée française conduite par le Commandant Gadel au nord-est du Niger dans l’oasis du Djado aux confins de la Libye.

Le timbre à l’effigie de Cherif Boubaghla (10 DA) nous le montre souriant ce qui n’est pas l’attitude idoine d’un chef guerrier sur un timbre-poste relatant ses faits d’armes et ses exploits. Mais, à l’origine, ce sourire qu’il arbore n’en est pas vraiment un. Il est visible sur un dessin publié dans le n°624 de L’illustration du 10 février 1855 sous la légende “La tête de Boubaghela et ses armes.

D’après un dessin de M. J. Roux” représentant la tête décapitée de ce résistant fichée au bout d’un pieu. Sur son visage à la bouche entrouverte laissant apparaître ses dents se dessine…non pas un sourire tel que représenté sur le timbre, mais… le rictus de la mort.

La scène de bataille représentée est une copie issue du célèbre tableau d’Horace Vernet «La Prise de la smalah d’Abd-El-Kader» par le duc d’Aumale et le lieutenant-colonel Louis-Michel Morris chargeant à la tête du 4e régiment de chasseurs d’Afrique à Taguin, le 16 mai 1843 (actuelle Z’Malet Emir Abdelkader dans la wilaya de Tiaret).

Une scène anachronique puisque la résistance de l’Emir Abdelkader dont les années de service s’étend de 1832 à 1847 est antérieure à l’insurrection lancée par Chérif Boubaghla dès 1850 contre l’occupant français.

Il y a un an, le 5 juillet 2017, Algérie Poste célébrait la fête de l’indépendance par l’émission d’un feuillet reproduisant quatre œuvres de l’artiste peintre mondialement connu Hocine Ziani (Kheng-Nettah, Bir-Ghrama, Djebel Boukhil et Aïn Zana) exposées au Musée central de l’armée à Alger, sans que son nom n’ait été porté sur les timbres ni même mentionné par la notice philatélique qui attribuent ces créations picturales au Ministère de la Défense nationale !!!

Propriété intellectuelle, droit d’auteur, citation des sources : ce vocabulaire revêt-il une quelconque signification pour les responsables en charge de la fabrication du timbre algérien qui, au lieu d’en faire le porte-drapeau de l’excellence artistique dans ce pays, en ont fait la risée du monde ?

Par/Mohamed Achour Ali Ahmed

Membre de l’Association internationale des journalistes philatéliques (AIJP)

El Watan 26 juillet 2018



01/08/2018
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