CHAOUKI-LI-QACENTINA

CHAOUKI-LI-QACENTINA

JIJEL : LES GROTTES DE TAZA

 

 LA «MAISONNETTE» BALNEAIRE DE 700 000 ANS

Durant des centaines de milliers d'années, génération après génération, nos arrières grands-parents sont nés, ont grandi et façonné des civilisations dans un même espace réduit, sur seulement quelques mètres carrés. Certes, leur site est digne d'un 5 étoiles, mais eux, avaient d'autres chats à fouetter.

 Juste après la première guerre mondiale, des géologues qui taquinaient la roche Jijilienne ont remarqué le site peu ordinaire des grottes de Taza. Ils le signalèrent. Six ans après, l'infatigable archéologue Arambourg l'explora. Cet espace est tellement visible, chargé de messages, que les montagnards du coin ont du le connaître. Les premiers scientifiques surnommèrent au début, ses trois grottes « la Madelaine », du nom d'une cavité française qui a révélé un riche passé.

Par la suite, cette étiquette fut abandonnée et remplacée par « les Grottes de Taza ». Le site se trouve près des Aftis, sur le flanc de la corniche, à une dizaine de mètres du niveau de la mer. La petite salle de l'une des cavités est toute boueuse même en été. Dans les années 1950 il y eut deux autres fouilles.

Les vestiges trouvés furent déposés au centre de recherche du Bardo, à Alger. Après la dernière exploration coloniale de 1954, il y eut celles de 1964 à 1987, puis celle menée dans les règles de l'art par le chercheur Brahimi en 1971 avec un sondage d'un mètre de profondeur. Le dernier passage est celui de M. Medig de l'université d'Alger, accompagné parfois des confrères étrangers. Les fouilles se sont étalées sur 4 ans, jusqu'à 1991.

Des 4 grottes connues, seule celle de Taza 1, la plus vaste, a fait l'objet d'investigations consistantes. Un abondant matériel archéologique en bonnes conditions de conservation et qui remonte au paléolithique moyen, fut mis à jour. Nos scientifiques savent, par la pratique, que la notion d'environnement ne se limite pas à notre époque, et qu'on a beaucoup à gagner en faisant des sauts en arrière. En cette civilisation dite acheuléenne, et qui remonte à 700 000 ans, l'homme taillait ses outils à partir de galets façonnés sur ses deux faces. Dans deux niveaux distincts furent recueillis plusieurs vestiges : des ossements de mammifères et d'instruments de travail, des traces de feu et un crâne humain presque complet. Le passage de la route a décapé une bonne partie du site. Néanmoins, demeure bien plantée, une haute terrasse, nichée dans une faille de la montagne Houita.

LES METS D'OURS, DE MOUFLONS ET D'AUROCHS

Des dépôts de 4 à 5 m d'épaisseur descendent presque au niveau de la mer. Une couche de cailloux a révélé un changement climatique ancien. Certains ossements recueillis et datés, remontent à 39 000 ans. Les restes du mouflon à manchettes sont les plus nombreux. A l'évidence, de tous les mets, cet animal était le plus apprécié. L'aurochs (boeuf sauvage), l'ours, l'antilope, le sanglier, le cerf et le singe sont également fréquents. Dans le niveau

ibéro-maurisien furent découverts des individus juvéniles et un crâne de femme adulte. Afin de mieux visualiser ce dernier, le chercheur Hadjouis lui a fait subir en 2003, une reconstitution faciale numérisée. Cette femme aurait circulé à Alger centre, bien habillée, on n'aurait pas pu la différencier des autres passants ! Les millénaires qui nous séparent, ne sont en fait, pas aussi importants qu'on le croit. Ces ancêtres avaient développé une activité complexe et diverse. Selon les périodes, ils s'approvisionnaient par exemple de matériaux comme le silex - ces instruments de travail de base - soit aux alentours, dans les proches oueds, soit dans des contrés relativement lointaines de Kharata. L'étude de ces outils rocheux débités, ont indiqué des traces de poli et de raclage pour le travail de l'os, de désarticulation des carcasses d'animaux et de travail des peaux. Les derniers locataires des grottes de Taza exploitaient des ressources marines comme les patelles. Des débris de foyers de feu bien conservés furent également découverts. Ces lointains parents qui s'adonnaient à l'art, se paraient de colliers, de bracelets, de pendentifs en coquillages et utilisaient de la peinture ocre. Hélas, aucune trace de configuration pariétale n'a été détectée. On est tenté de croire que la féerique région des Aftis n'a pas ensorcelé et attiré seulement l'homme moderne. En plus des grottes de Taza, d'autres cavités préhistoriques, et un abri sous roche furent découverts en 1990. Leur voile n'est pas encore levé. Dans l'anonymat et la plus grande sérénité, leurs vestiges somnolent sous des couches de terre. Elles ne connaissent pas les souillures et l'irrespect de notre génération qui n'hésite pas à arracher sans souci - comme cela s'est produit en 2005 - la clôture de protection de la Grotte de Taza, sans qu'elle soit rétablie.

 

 Rachid Safou.

19/12/2010 

safour@live.fr

 



19/12/2010
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 80 autres membres