CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Patrimoine musical algérien

Au stade des bonnes intentions

L’honneur reviendra au grand miniaturiste, Mohamed Racim, auteur d’œuvres magistrales dans l’histoire de l’art algérien, d’avoir réalisé les premières manifestations du patrimoine musical national sur des timbres postaux. Le 25/12/1965, deux figurines, de 0,30 et 0,80 DA, imprimées chez le Suisse Courvoisier, feront leur apparition.

Sur la première, deux musiciens en tenue traditionnelle se sont installés confortablement dans une pièce bien garnie, devant un plateau à café et un narguilé, jouant l’un au luth et l’autre au rebab. Sur le deuxième timbre, deux femmes élégantes et bien maquillées ont pris place dans un très beau salon traditionnel avec arcs et colonnes, jouant avec habileté au tar et à la derbouka, deux instruments de percussion de la musique andalouse classique qui a fait son entrée au Maghreb grâce aux Andalous chassés après la Reconquista. Une époque aussi de raffinement et de savoir-vivre que les habitants des grandes villes côtières ont connue entre les XVIIe et XVIIIe siècles.

Ce très beau début, dont on n’espérait pas mieux, donnera des idées au grand artiste-peintre Mohamed Temmam, qui excellera en produisant l’une de ses meilleures séries de timbres. Consacrée aux instruments de musique et sortie le 17/2/1968, cette nouvelle émission mettra en valeur les instruments traditionnels de la musique andalouse, qui sont la kouitra, le luth et le rebab.

Alors que les philatélistes commenceront à croire à une thématique qui sera enrichie au fil des années, ce sera finalement le grand désespoir. Le patrimoine musical algérien, considéré par les connaisseurs comme étant l’un des plus riches et des plus variés dans le monde arabe, connaîtra une très longue hibernation.

Il ne sera «ressuscité» qu’à la faveur de l’émission sortie le 20/9/1984, à travers quatre timbres dessinés par Kamreddine Krim, où l’on découvre d’autres instruments traditionnels de la musique targuie et celle des régions du Sud. Il s’agit du guimber, de la chekoua, du tindi et de l’imzad.

Ce dernier, une sorte de vièle monocorde traditionnelle, est un instrument d’une grande noblesse joué exclusivement par les femmes targuies dans les cérémonies spéciales. Sa pratique et les savoirs liés à son utilisation seront classés par l’Unesco en 2013 patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

Deux ans plus tard, et pour illustrer l’adage qui dit «qu’il n’y a pas de musique sans danse», la Poste algérienne émettra une première série sur les danses populaires, dessinée par Sid Ahmed Bentounes et révélant la danse kabyle, celle des Ouled Naïl et la Sbeiba des Touareg.

Ce sera finalement le sujet de prédilection pour le même dessinateur, qui semblait être bien inspiré pour réaliser une seconde série le 14/12/1994, illustrant la danse algéroise, celle de la région de Constantine et le style alaoui, très connu dans la région de l’Ouest. Une troisième série paraîtra le 15/12/1999 pour mettre en valeur les danses chaouie, targuie et celle du M’zab. Le sujet des danses folkloriques sera «fermé» durant 17 ans, avant d’être rouvert une nouvelle fois par Zakaria Morsli, qui en fera une balade animée sur des timbres remontant dans le temps pour nous rappeler les traditions de la hadra, du karkabou et de la fête du baroud.

On sortira tout de même de ces sentiers mouvementés à l’occasion d’une émission de K. Sadoune, parue le 18/5/2010. Pour rendre hommage à l’Ahellil du Gourara, un genre musical et poétique pratiqué dans la région berbérophone de l’actuelle wilaya d’Adrar, consacré patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2008. Mais dans toute cette histoire de patrimoine musical algérien, peu de noms de maîtres et d’artistes de renom, qui ont porté ces richesses dans leur cœur et ont sacrifié leur vie pour les sauvegarder pour les générations futures, ont trouvé une place dans le catalogue philatélique.

Depuis la décision d’instaurer en 2000 une journée nationale de l’artiste, le 8 juin de chaque année, coïncidant avec l’anniversaire de la mort de l’artiste martyr Ali Maâchi, assassiné sur la place publique de Tiaret le 8 juin 1958, six artistes, dont deux femmes, ont eu les honneurs pour la postérité en figurant sur des timbres postaux de l’Algérie indépendante. Il s’agit d’Ali Maâchi (1927-1958), Aïssa Djermouni (1886-1946), Abdelkrim Dali (1914-1978), Fadila Dziria (1917-1970), Warda El Djazaïria (1939-2012) et Blaoui El Houari (1926-1917).

On reviendra toujours pour dire et redire ce que nous n’avons cessé de rappeler dans toutes les chroniques dans lesquelles on a toujours dénoncé l’ignorance et l’ingratitude envers les hommes et femmes de culture algériens, qui ont été victimes de préjugés durant leur vie et d’amnésie après leur mort. Tout ce qui se fait aujourd’hui est un petit pas qui ne dépassera pas le stade des bonnes intentions.

Par/S. ARSLAN

El Watan



30/12/2018
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