CHAOUKI-LI-QACENTINA

CHAOUKI-LI-QACENTINA

HISTOIRE DES PROPHÈTES ET ARCHÉOLOGIE


Légende et réalité s'entrecroisent

Après la disparition du peuple d’Add de la péninsule arabique - qui nous fait rappeler la grotte touristique de Beni Add à Ain Fezza près de Tlemcen - c'est le peuple de Thamoud qui lui succéda en héritant ses terres et ses maisons. Si ces peuples sont bizarrement inconnus chez les juifs et les chrétiens, Aristote et Ptolémée les ont cités dans leurs ouvrages. Les anciens poètes usèrent même de ces noms comme symboles de vanité et de plaisirs. Et les légendes ne sont pas rares à leur sujet.

Les Thamoud ont fait prospérer leur région et réalisèrent de belles œuvres dont de formidables habitations troglodytes taillées directement dans du roc de grés des montagnes. D'ailleurs, depuis 2008, leur site est classé patrimoine mondial de l'Unesco. Un témoignage unique avec 138 tombeaux rupestres monumentaux aux façades décorées et des puits construits il y a deux mille ans. Les ouvertures des portes géantes sont surmontées de roches bombées et sculptées en stries, à l'image des coulées naturelles de calcite des cavernes. Ce site, dit El Hijr, situé à 400 km au nord de Médine. Cette ancienne oasis située sur la piste caravanière reliant Pétra au Hedjaz, est un exemple exceptionnel de la qualité de l'architecture des Nabatéens et de leur maîtrise des techniques hydrauliques. Le Coran a évoqué ce peuple rebelle dans une vingtaine de versets. Mais  après une bonne période d'occupation, cette cité tantôt sacrée, tantôt maudite, a connu un grand vide depuis le Vème siècle. Aujourd'hui, les archéologues sont en train de la dépoussiérer. La légende et la réalité s'entrecroisent.

L'histoire raconte qu'un jour, un prophète, du nom de Salah, issu d'une famille noble et clairvoyante émergea de cette terre pour convertir ce peuple païen. Ces derniers étaient déçus que l'homme sur lequel ils fondèrent tous leurs espoirs les contrarie. Et pourtant celui-ci leur déclara qu'il n'aspirait ni à devenir un chef, ni à être rémunéré. Seuls de simples personnes l'ont suivi. Les notables lui répondaient que les Dieux l'ont ensorcelé, qu'il est habité par un diable ou qu'il a perdu la raison. Ils commençaient à craindre que ce prédicateur et ses partisans s'organisent et s'imposent comme une force de substitution à leur pouvoir.

«Pour te croire, réalise pour nous un miracle et donne nous une chamelle, pleine au dixième mois, de très grande taille et qui doit surgir d'un rocher que nous t'indiquerons». Ils lui promirent de le croire s'il répond à cette demande. Salah alla donc à son oratoire et s'adressa au seigneur par de ferventes prières.

LE MIRACLE DE LA CHAMELLE GÉANTE.

Ayant reçu l'ordre divin, le rocher se mit à s'agiter à l'image d'une femme au point d'accoucher. Il se fend et donna naissance à une énorme chamelle au ventre ballonné. Malgré ce miracle, seul une minorité des thamoud adhéra à sa croyance. Il leur déclara alors «Voici la chamelle de Dieu, elle boira un jour et vous boirez un autre jour. Laissez-là paître à son aise». On rapporte que son lait suffisait à toute la peuplade.

Mais ses détracteurs ne pouvaient admettre qu'un tel animal soit capable de boire de plein gré un jour sur deux et les concurrencer. Plus que par le passé, ils avaient peur que l'événement ira renforcer les rangs de ses adeptes. Le divin révéla à Salah que la chamelle allait être abattue et qu'il ne l'a créée que pour éprouver ce peuple. Craignant pour elle, Salah les pria de ne pas lui faire de mal. Ils répliquèrent «Nous ne pouvons commettre un tel acte». Le prophète insista «Si vous ne le faites pas vous-même, l'un de vos fils qui naîtra prochainement le fera». Ils lui demandèrent encore une fois «Comment peut-on le reconnaitre ? Nous jurons par Dieu que si nous le trouvons parmi nous, nous ne manquerons pas de le tuer. » Salah leur précisa «Ce sera un jeune, au teint doré, aux yeux bleus et aux cheveux roux».

Dans la cité vivait deux vieux notables dont le premier refusait de marier son fils à une fille quelconque et le second n'arrivait pas non plus à trouver à sa fille un digne époux. Ils finirent par marier les deux enfants et de cette union naquit le garçon qui allait tuer la chamelle.

Suite à l'avertissement émis par Salah, les Thamoud désignèrent des sages-femmes accompagnées d'une escorte, chargées de repérer parmi les nouveaux nés, celui qui correspond à la description donnée par le prophète. Elles finirent par découvrir cet enfant et s'écrièrent «C'est l'enfant que recherche le prophète !» La garde s'apprêta à s'emparer de lui. Seulement, ses grandspères s'y opposèrent en prétextant «Si c'était l'enfant désigné par Salah, nous l'aurions nous-mêmes tué !» Le nouveau né s'avéra le pire de tous les enfants et grandissait dix fois plus vite que ses semblables. Entre temps, le prophète Salah s'était retiré de son peuple pour aller habiter sa khaloua ou oratoire, où il passait ses nuits à prier le seigneur. Devenu grand, l'enfant prénommé Khodar, ainsi que l'un de ses amis, ont pris deux amantes.

Les deux couples se donnaient des rendez-vous discrets. Mais lors d'une rencontre nocturne, les deux filles s'adressèrent aux deux hommes sur un ton ferme «On ne se donnera à vous que si vous tuez la chamelle». Sans aucune hésitation, les deux prétendants allèrent chercher de l'aide en faisant appel à sept personnes pour réaliser leur méfait. À tour de rôle, ceux-ci tentèrent de se débarrasser de l'animal. Mais dès qu'ils s'approchaient de la bête, la peur les envahit. Terrorisés, ils s'enfuyaient. Personne n'osait commettre un acte aussi grave. L'ami de Khodar s'approcha alors de la chamelle, lui lança une flèche qui l'atteignit au jarret. Khodar se dépêcha de le couper et la chamelle fût achevée d'un coup de couteau dans la poitrine.

Dans une autre version, les historiens racontent que ces hommes de main furent accueillis comme des héros par les instigateurs ainsi qu'une bonne partie de la population. Arrogante, cette dernière demanda à Salah de lui montrer le châtiment dont il les avait menacés. On raconta également, qu'à la vue de ce corps gisant dans le sang, un homme pieux accourut informer Salah «Viens secourir la chamelle. Elle est blessée.» Furieux, le prophète se dirigea vers les lieux. Une foule l'intercepta pour lui présenter ses excuses «O prophète de Dieu, c'est Khodar qui l'a abattue. Nous n'y sommes pour rien.» Essayant de sauver la situation, Salah dira « Si vous arrivez à préserver la vie de son petit, Dieu vous épargnera son châtiment ».

LA FIN DES THAMOUD.

Ils accoururent donc à la recherche de son bébé qui ayant vu sa mère agonisante avait pris la fuite pour se réfugier au sommet d'une montagne afin de ne pas subir le même sort. Quand Salah le retrouva, le petit versa des larmes et poussa trois mugissements. Le prophète descendit voir son peuple et leur dit «Pour chaque mugissement, vous aurez droit à un jour de punition. Il vous reste encore trois jours à profiter de la vie ici bas avant d'être punis. Le signe du châtiment que Dieu vous infligera sera que vos visages rougiront le premier jour, jauniront le deuxième jour et noirciront le troisième». On ne le prit pas au sérieux. Même que le soir venu, une dizaine de personnes échafaudèrent un plan visant à se débarrasser de lui et de ses parents. Alors qu'ils tendaient leur piège, le seigneur déversa sur eux une averse de pierres qui les enterra vivants.

Au matin du premier jour du délai fixé par Salah, les Thamoud avaient les visages rouges comme s'ils étaient enduits de sang. Au matin du deuxième jour, leurs visages ont pris la couleur d'un jaune safran. Le soir, ils s'écrièrent affolés «Deux jours se sont déjà écoulés». Le troisième et dernier jour, leurs visages avaient noirci comme s'ils avaient appliqué de la suie. Le quatrième jour, ils s'embaumèrent d'arômes et se mirent à guetter l'arrivée du châtiment divin sans savoir d'où il allait venir.

Au lever du soleil, un puissant grondement jaillit du ciel. Et au même moment un terrible tremblement de terre les anéantis. La mort n'épargna aucun infidèle. À la vue des cadavres et des maisons effondrées, Salah chagriné lancera «Ô mon peuple, je vous avais transmis le message de mon seigneur, donné de bons conseils, mais vous ne les avez jamais pris en compte». Les historiens racontent également que le prophète Mohamed (S) et son armée, campèrent lors de son expédition à Tabouk, dans cette région d'El Hijr, à l'endroit même où habitaient les Thamoud. En allant charrier l'eau des puits, les militaires étaient horrifiés par le spectacle. Mais lorsque le prophète apprit l'origine de l'eau utilisée dans les marmites, il ordonna de la verser par terre et donner la pâte qui allait servir pour la confection du pain, aux chameaux. Après quoi, ils décampèrent et dressèrent leur camp autour du puits où s'abreuvait la chamelle. Le prophète leur conseilla de puiser et s'alimenter de cette eau.

De peur qu'ils ne soient atteints par le mal qui a frappé les anciens, il leur interdit d'entrer dans la cité des suppliciés, à moins de le faire en pleurant. Et lors de son passage à cheval, près de la cité des Thamoud, Mohamed se couvrit le visage de son manteau. Il ne voulait pas garder dans sa mémoire les images de l'apocalypse.

 

Rachid Safou

08/11/2011

safour@live.fr



13/11/2011
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