CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Hommage aux journalistes morts au Vietnam

Un crash peut en cacher un autre

 

Décidément, le service philatélique d’Algérie Poste ne cessera jamais de nous surprendre. Alors que le programme annuel des émissions n’est pas établi pour la quatrième année de suite, les collectionneurs algériens ne savent plus à quel «devin» se vouer.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, le catalogue philatélique a été «étoffé» en ce début d’année par une «entrée à peine digérable» consacrée à l’Année internationale du tableau périodique des éléments chimiques. Elle sera suivie d’une émission de deux timbres se tenant d’une rare incongruité, rappelant «le rôle de la femme dans le domaine de la santé durant la guerre de Libération», parue le 18 février dernier pour célébrer «la Journée nationale du martyr».

Des idées d’une incompatibilité frappante. Mais la sortie la plus inattendue demeure celle qui marquera vraiment ce mois de mars, par laquelle la Poste a voulu rendre hommage aux 15 journalistes et techniciens morts dans le crash aérien du 8 mars 1974, alors qu’ils assuraient la couverture médiatique de la visite présidentielle de Houari Boumediène au Vietnam. Si l’initiative est plus que louable, on sentira beaucoup l’odeur de l’improvisation dégagée par ce timbre signé Kamreddine Krim.

En témoigne l’illustration allégorique qui, avec le recours aux symboles de l’emblème, la bougie, la caméra, le micro et le bloc-notes, n’est pas sortie «des traditionnels sentiers battus». Pourtant, les jeunes «martyrs du devoir» méritaient plus qu’un simple timbre. Pourquoi pas un feuillet pour rappeler cette histoire méconnue par la jeune génération, notamment celle des journalistes, et mise aux oubliettes durant plus de 40 ans  par les autorités officielles du pays.

L’histoire retiendra que ce drame avait endeuillé à l’époque tout un pays, dont feu Houari Boumediène, qui avait tenu à accueillir en personne les dépouilles des victimes à leur arrivée à l’aéroport d’Alger. Les défunts avaient pris un avion vietnamien le jeudi 8 mars 1974 à l’aéroport international de Hanoï à destination d’un aéroport militaire situé à 60 km, pour enfin rentrer en Algérie. L’appareil s’est écrasé au moment de son atterrissage.

Il y avait aussi parmi les victimes neuf journalistes vietnamiens et trois membres d’équipage. Depuis, des hommages à «caractère restreint» ont été rendus ces dernières années aux 15 martyrs. Ils n’auront finalement droit qu’à une plaque commémorative et une baptisation à leur mémoire d’une artère dans la commune de Bir Mourad Raïs à Alger : l’avenue des journalistes du Vietnam – 8 mars 1974. Unique consolation pour leurs familles et proches.

Finalement, qui se souvient encore de ces journalistes, photographes et techniciens de la Télévision, de la Radio, de l’APS et de la presse écrite, qui avaient pour noms Salah Dib, Abderrahmane Kahwadji, Mahmoud Midat, Mustapha Kaboub, Abdelkader Bouhmia, Mohamed Bekaï, Laaredj Boutrif, Rabah Haned, Sebti Mouaki, Ahmed Abdelatif, Mohamed Taleb, Mohamed Sahraoui, Tayeb Harket, Djilali Djedar, et Mohamed Taâllah. L’histoire est aussi faite de beaucoup d’amertume, lorsqu’on sait qu’au Vietnam, une stèle avait été érigée et inaugurée en 2000 en leur mémoire, soit 13 ans avant une reconnaissance dans leur propre pays.

En parlant toujours de mémoire, ce crash rappelle bien un autre que l’on a tendance à faire oublier. Il s’agit de celui survenu le 3 mai 1982, lorsque l’avion Grumman Golfstream II de la présidence algérienne s’est écrasé près de la frontière irano-turque, après avoir été touché par un missile tiré par un avion irakien.

L’appareil transportait le ministre des Affaires étrangères, Mohamed-Seddik Benyahia, et huit hauts cadres du ministère en mission de médiation durant le conflit armé entre l’Irak et l’Iran, ainsi que le journaliste de l’APS, Mouloud Aït Kaci, et quatre membres de l’équipage. Ils périront tous. L’enquête, dont les résultats n’ont jamais été révélés officiellement aux Algériens jusqu’à ce jour, a conclu à la responsabilité du président irakien, Saddam Hussein, qui  avait donné l’ordre de tirer sur l’avion algérien.

La presse de l’époque parlera d’obsèques émouvantes organisées le 7 mai 1982 pour Benyahia et ses compagnons. Mais finalement, pourquoi veut-on toujours occulter cette histoire ? La réponse se trouve dans la carrière foudroyante même de Benyahia (1932-1982). L’enfant de Jijel, un des premiers membres du CNRA, a montré un talent précoce de négociateur au sein du GPRA. Il sera le premier ambassadeur de l’Algérie indépendante.

Benyahia prendra les commandes du ministère de l’Information, puis ceux de l’Enseignement supérieur et des Finances, avant d’atterrir aux Affaires étrangères, qu’il dirigera du 8/3/1979 au 3/5/1982. Pour ceux qui l’ont connu de très près, ce brillant diplomate réussira un exploit, et non le moindre, celui de faire oublier Abdelaziz Bouteflika, qui avait régné pendant seize ans sur la diplomatie algérienne.

Sans grand bruit, avec sa légendaire discrétion, il réussira des succès diplomatiques retentissants, mais occultés de nos jours. On citera surtout les négociations menées avec une grande habileté en janvier 1981, permettant la libération des otages de l’ambassade des États-Unis à Téhéran. Alors pourquoi pas un timbre à sa mémoire et à celle des victimes du crash de 1982 pour le 3 mai prochain ?

Par/ S. ARSLAN 

Le 14 Mars 2019

El Watan



14/05/2019
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