CHAOUKI-LI-QACENTINA

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Nos ancêtres africains revisités par la chercheuse Aoua B. Ly-Tall

Afrique, terre de feu et de femmes



Dans toutes les sociétés et au fil des temps, les contributions des femmes ont été occultées. Triplement victimes (colonisation/esclavage, idéologies d’infériorisation et domination mâle), de grandes figures féminines africaines restent méconnues et/ou peu valorisées.

C’est dans la perspective de contribuer à les sortir des décombres de l’histoire que s’inscrit la démarche de la chercheuse Aoua B. Ly-Tall, qui a présenté son ouvrage  De la reine de Saba à Michèle Obama  en passant par Lalla fatma N’soumer : africaines, femmes de pouvoirs et d’influence, lors d’une conférence organisée le 23 octobre à la Bibliothèque nationale d’Alger.

De tout temps il y eut des femmes combatives ayant rayonné sur le continent noir, jouissant pleinement de leurs pouvoirs spirituel, politique, économique, social et culturel.

Le genre était partie intégrante des cultures traditionnelles de l’Afrique. La culture pharaonique et africaine accordait une place de choix aux femmes. Les plus anciennes sociétés sédentarisées d’Afrique étaient organisées selon un régime matrimonial. De l’Egypte antique aux Berbères, les femmes ont exercé le pouvoir.

Face à l’ennemi colonisateur, elles ne se rendirent jamais et se sont vaillamment battues pour recouvrer leur dignité. La chercheuse sénégalaise, Aoua B. Ly-Tall, a profité d’une halte à Alger pour dresser le portrait de quelques-unes des légendaires ancêtres africaines.

Lucy, mère de l’humanité

L’origine africaine de l’humanité est aujourd’hui incontestable. «Nous avons tous du sang africain dans les veines. Et c’est un sang féminin», précise Aoua B. Ly-Tall. La découverte de la femme des origines aura créé un séisme dans le monde scientifique. Baptisé Lucy, le squelette vieux de 3,2 millions d’années, rattaché à l'espèce des Australopithecus afarensis, a été découvert sur le site d'Hadar, au nord-est de l'Ethiopie.

Hatshepsut, première reine de l’Histoire

Elle restera donc comme la première souveraine de l’histoire. Ayant pris le pouvoir 1500 ans avant J-C. Une grande diplomate qui améliorera les relations avec ses voisins. Surtout, elle fut une reine – bâtisseuse. Parmi ses réalisations architecturales, Deir El Bahari, l’une des sept merveilles du monde antique.

Makeda, reine de Saba

Beauté noire, reine de la sagesse et de l’intelligence, Makeda a régné sur Saba. Nul n’ignore le nom de cette légendaire reine, mais peu savent qu’il s’agit d’une Africaine. Elle était noire et belle et fit rêver de nombreux poètes et écrivains. Le Coran, la Bible et la Torah parlent d’elle comme le symbole de courage et de beauté. Selon les traditions juive et musulmane, la reine du royaume de Saba, dans le sud-ouest de l’Arabie, aurait vécu vers le Xe siècle avant J.-C.

La reine Candace, impératrice d’éthiopie

Face à la Candace Amanishakheto, tous ceux qui étaient considérés comme les plus grands généraux du monde antique battaient en retraite. Cheikh Anta Diop, maître à penser de la conférencière, précise (in «L’unité culturelle de l’Afrique noire) : «Lors de l’invasion de l’Egypte par les Romains au tout début de l’ère chrétienne, l’empereur César Auguste au sommet de sa puissance pousse ses troupes jusqu’en Nubie. La reine Amanishakheto prend elle-même le commandement de son armée. A la tête de ses soldats, elle charge les Romains et perd un œil lors d’une bataille.

Loin d’être démoralisée, cet événement redouble le courage de la Kandake (Candace) qui rejoint de nouveau le champ de bataille jusqu’à la victoire contre les Romains, stupéfaits par l’intrépidité et la force de cette femme». Pendant très longtemps, les reines portaient le nom de Candace, un titre qui passa de reine en reine pendant de nombreuses années. (500 ans) Ces femmes guerrières étaient de grandes tacticiennes militaires et commandaient sur le terrain.

Elles étaient craintes par les armées étrangères d’envahisseurs venus des régions septentrionales. Même Alexandre le Grand fut tétanisé par le fait de les affronter… La première Candace, raconte-t-on, a dirigé une armée dont les guerriers montaient des éléphants. Elle a stoppé l’invasion d’Alexandre Le Grand en Ethiopie en 332 avant J.-C.

Lalla Fatma N’soumer, héroïne légendaire

Si Fadhma Nath Sidi Ahmed avait une aversion pour le mariage, elle disposait d’une une passion pour le savoir. Forcée à se marier à son cousin auquel elle ne se donna jamais, elle consacrait ses journées à la prière et à l’évocation de Dieu.

On crut voir en elle une sainte qui eut une révélation divine. Très vite, elle se révèle douée pour la résolution des conflits, ce qui forçait le respect et faisait croître sa renommée. Dès lors, elle acquit le titre de «Lalla». Emile Carrey, écrivain, qui accompagnait les troupes françaises la décrit en ces termes : «Seule la prophétesse, formant disparate avec son peuple, est soignée jusqu'à l'élégance. Malgré son embonpoint exagéré, ses traits sont beaux et expressifs. Le kohl étendu sur ses sourcils et ses cils agrandit ses grands yeux noirs.

Elle a dû carmin sur les joues, du henné sur les ongles, des tatouages bleuâtres, épars comme des mouches sur son visage et ses bras, ses cheveux noirs soigneusement nattés, s'échappent d'un foulard éclatant, noué à la façon des femmes créoles des Antilles. Des voiles de gaze blanche entourent son col et le bas de son visage, remontant sous sa coiffure comme les voiles de la Rebecca d’Ivanhoé.

Ses mains fines et blanches sont chargées de bagues. Elle porte des bracelets, des épingles, des bijoux plus qu'une idole antique.» Née en 1830, elle fit part, à 22 ans, à son frère de ses rêves dans lesquels elles voyaient chaque nuit des hordes farouches détruire les villages.

Lalla Fatma n’Soumer constitue, selon Aoua B. Ly-Tall «l’amazone du nord du Sahara», prête à mourir pour sa patrie. Elle s’engage activement dans la résistance et l’on reconnaît en elle une stratège. Boubaghla fut impressionné par cette force de caractère et sa capacité à convaincre les gens à s’engager dans la guerre. Elle infligera une défaite cinglante aux troupes françaises lors de la bataille de Oued Sebaou.

A 25 ans, elle se trouve à la tête d’une armée de femmes qui humilièrent le maréchal Randon. La guerrière tint bon face à une armée atteignant les 40 000 combattants au prix de lourdes pertes humaines. Un accord de cessez-le-feu est signé avec le général français. Trois ans plus tard, l’armée coloniale frappe la Kabylie, en violation de la parole donnée, capturant la sainte. N’ayant pas enfanté, elle donnera naissance politiquement à de nombreuses femmes ayant résisté au colonisateur.

Par/Amel Blidi

El Watan



27/10/2017
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